Les statistiques de la délinquance :
un interview et une bibliographie
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" Trois questions à Laurent Mucchielli ", Le Monde, vendredi 4 février 2000, page 10.
Pour comprendre ces statistiques, il faut partir du principe qu'elles sont la traduction directe, non de l'activité des délinquants mais de celle de la police. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a aucun rapport entre les deux, mais cela oriente la réflexion dans le bon sens. La hausse d'une infraction peut signifier une recrudescence des faits ou une plus grande efficacité policière. Depuis quelques d'années, certaines hausses témoignent d'une plus grande violence dans les relations sociales (homicides, viols, coups et blessures), d'autres d'une plus forte répression, notamment dans les quartiers dits "sensibles" (usage/revente de drogue, outrages à policiers, port d'armes prohibés). Enfin, il y a le problème des infractions connues de la police mais traitées en simples mains courantes et qui n'apparaissent pas donc pas dans les statistiques.
Ces enquêtes, qui se pratiquent en France depuis quinze ans, sont un progrès important. Elles interrogent en effet directement la population, que les gens aient ou non porté plainte. Mais il faut les lire avec précaution. Par exemple, il faut savoir que la rubrique "agression" inclut généralement les simples injures verbales. Et puis n'oublions pas que les gens répondent sur ce qui les a touché directement alors que nous sommes tous victimes de délinquances qui ne touchent personne en particulier et tout le monde en général (corruption, fraude fiscale, etc.).
Les statistiques auront toujours leurs limites, même à l'échelle locale. Elles doivent donc être complétées par des enquêtes de terrain. Mais il ne suffit pas de débarquer dans un quartier et d'interroger les gens qui se présentent ou qui acceptent d'emblée de parler. Pour ne pas tronquer la réalité, il faut s'y immerger longtemps et donner la parole à tout le monde.
Bibliographie sur les statistiques de la délinquance
Association Pénombre, 1999, Chiffres en folie, Paris, La Découverte.
Aubusson de Cavarlay B., 1996, Les statistiques de police : méthodes de production et conditions d'interprétation, Mathématiques, informatique et sciences humaines,136, p. 39-61.
Aubusson de Cavarlay B., 1997, La place des mineurs dans la délinquance enregistrée, Les cahiers de la sécurité intérieure, 29 (3), p. 17-38.
Aubusson de Cavarlay B., Huré M.-S., 1995, Arrestation, classements, déferrements, jugements. Suivi d'une cohorte d'affaires pénales de la police à la justice, CESDIP, Études et données pénales, n°72.
Barré M.-D., 1996, Toxicomanie et délinquance : relations et artefacts, Déviance et société, 20 (4), p. 299-315.
Mucchielli L., 2001, Violences et insécurité. Fantasmes et réalités dans le débat français, Paris, La Découverte, 2001 (chapitre 4).
Robert Ph., Aubusson de Cavarlay B., Pottier M.-L., Tournier P., 1994, Les comptes du crime. Les délinquances en France et leurs mesures, Paris, L'Harmattan.
Robert Ph., 1999, Le citoyen, le crime, l'État, Genève, Droz.
Robert Ph., Zauberman R., Pottier M.-L., Lagrange H., 1999, Mesurer le crime. Entre statistiques de police et enquêtes de victimation (1985-1995), Revue française de sociologie, 40 (2), p. 255-294.
Tournier P., Robert Ph., 1991, Étrangers et délinquances : les chiffres du débat, Paris, L'Harmattan.
Zauberman R., Robert Ph., 1995, Du côté des victimes : un autre regard sur la délinquance, Paris, L'Harmattan.